Digital nomade, un rêve freelance

Certains freelances profitent de la liberté que leur offre le web pour aller travailler à l’autre bout du monde, ou du pays : ils deviennent digital nomades. J’ai moi-même eu la chance de vivre cette expérience… Et ce fut très agréable ! Cela m’a inspiré une petite réflexion sur le sujet, que voici... Alors, ça vous tente ?

tableau le voyageur de Caspar David Friedrich

Le digital nomade apparaît dans ce geste inaugural : il quitte son appartement, rend les clés à son agence immobilière et se retrouve sans logement.

Il économise ainsi chaque mois l’argent qu’il consacrait auparavant à son loyer, et l’utilise à présent pour réserver des appartements AirBnb dans le monde entier.

Un nouveau mode de vie, plein de charme !

L'esprit de l'époque

Le digital nomade travaille sur le web, en tant que freelance : création de site, référencement, cours ou thérapies par skype… les possibilités sont nombreuses. Une connexion Wifi lui suffit, ce pourquoi il peut travailler partout où il le souhaite, en France ou dans le monde entier !

Le Web en tant qu’outil le libère de toute contrainte physique : son travail ne l’oblige plus à demeurer en tel ou tel lieu, et il profite pleinement de cette nouvelle possibilité qui s’offre à lui…

Le digital nomade est une nouvelle figure du monde contemporain, en réalité, c’est la vérité de l’époque, au sens hégélien du terme. Qu’est-ce que cela signifie ?

Supposons que je souhaite composer des sonates à la manière de Bach. Si par miracle j’y parvenais, le résultat n’offrirait qu’un maigre intérêt. En effet, l’époque à laquelle ce type d’œuvre avait un sens, l’âge baroque, du 17ème au 18ème siècle, est révolue.

Il n’y a pas plus de sens à vouloir composer du baroque aujourd’hui, au XXIème siècle, que de prétendre avoir créé un nouveau système métaphysique. Cela ne correspond plus à notre époque.

Pour résumer la pensée de Hegel, chaque époque a son « esprit », sa vérité, son faisceau de possibilités propres qui n’appartiennent qu’à elle, et à nulle autre.

Ce qui nous amène à cette question, qui donne le vertige : quel est l’esprit de notre époque ? Qu’est-ce qui fait sa spécificité, par rapport aux autres ?

Une foule de choses probablement. Mais parmi celles-ci, le digital nomade !

L’idée que je voudrais soutenir est la suivante :

De la même manière qu’à une époque, c’est la figure du moine qui était la vérité, ou à telle autre, celle du patron et de l’ouvrier, toutes ces catégories se sont volatilisées lorsque le temps est venu, et si elles continuent à subsister, ne sont plus que des vestiges.

Du point de vue social, c’est à présent la figure du digital nomade qui est la vérité du monde contemporain, qui est à la pointe extrême du temps se déployant, et s’aventure en « terra incognita » !


Nous devons comprendre la nouveauté inouïe qu’elle incarne…

En effet, lorsqu’une nouvelle figure éthique apparaît, c’est l’ensemble des catégories cardinales de l’action qui se voient métamorphosées. Le moine a une façon spécifique de manger, de travailler, de s’habiller… différente de celle de l’ouvrier, du salarié, du fonctionnaire, etc.

Quels traits essentiels le caractérisent en propre ?

Le voyage

Le digital nomade travaille en voyageant.

Cela le distingue à la fois de l’explorateur, dont le travail est précisément de voyager, et du touriste, qui part en voyage lorsqu’il ne travaille plus, pendant les vacances.

On considère parfois que les anciens explorateurs jouissaient de ce privilège : savourer la forme la plus aboutie du voyage.

Traversant des terres encore inconnues, ils étaient ouverts, ou exposés, à la nouveauté la plus radicale, à chaque tournant du chemin qu’ils empruntaient : monstres, chimères, créatures fabuleuses, forêts vierges, peuples…

Néanmoins, il faut remarquer que le voyage ne s’exerçait pas alors librement, puisque c’était un travail : l’explorateur était au service d’un souverain, devait lui rendre des comptes. Le marin ivre de nouveaux espaces devait suivre la direction qui lui avait été fixée, quitter l’île paradisiaque lorsque sa mission s’achevait. Il devait solliciter des autorisations pour appareiller, quémander des fonds, ce qui réduisait à néant son autonomie.

Le digital nomade au contraire connaît la pure liberté, celle de l’infini des possibles qui s’ouvrent à lui lorsqu’il doit choisir en ligne sa nouvelle destination. Dans le sud de la France, ou dans les Alpes ? En Espagne ou en Italie ? Telles sont les problématiques qui s’offrent à lui, et il décide seul, faisant l’expérience du choix absolu !

Il peut alors prendre son envol et faire l’expérience de la liberté pure...

L’économie collaborative

Le digital nomade est une figure qui a pu apparaître et s’épanouir dans la nouvelle économie collaborative. En réalité, c’est celui vers lequel toutes ces nouvelles possibilités convergent. Le sédentaire qui propose sur AirBnb une chambre à la location n’en tire qu’un gain fini. Le nomade, qui lui loue la chambre, et passe un mois à Rome pour 400 euros, en tire un gain infini : la découverte d’un pays, d’une ville, d’une civilisation !

Car la nouveauté inouïe, c’est celle-ci. A toute époque, on a pu constater cet invariant universel : il est plus cher de voyager que de rester chez soi. Ce n’est plus le cas depuis quelques mois…

Auparavant, une chambre d’hôtel coûtait 80 euros la nuit. Partir une semaine ou un mois exigeait une dépense considérable, à laquelle il fallait réfléchir deux fois.

Il faut passer une dizaine d’heures sur AirBnb pour étudier cet écosystème. On se rend compte alors que les prix s’effondrent. Une nuit coûte en général 17 euros ; c’est la moyenne des prix. Au niveau encore au-dessous, on trouve des pépites à des prix encore inférieurs (une semaine près d’Avignon à 80 euros).

Dans cet effondrement généralisé lié à la multiplication des offres, le digital nomade apparaît comme une nouvelle possibilité du monde contemporain.

Certes, il a toujours été possible de voyager à bas prix, voire gratuitement (avec le phénomène du couch surfing et de l’auto-stop), mais ici le phénomène s’universalise, car il se constitue comme un marché, et il devient possible de voyager à très bas prix dans des conditions minimales de sécurité.

Il n’est plus nécessaire par exemple de s’expatrier dans des pays où le revenu moyen est plus faible, pour bénéficier de tarifs avantageux. Cette forme de nomadisme, que l’on pourrait appeler le nomadisme 1.0, et qui nous condamnait à l’exil, au prix de notre liberté, n’est plus pertinente du strict point de vue économique, tant les prix ont baissé partout !

Le freelance nomade utilise tous les atouts de cette nouvelle économie collaborative : le cloud, l’autopartage, le covoiturage, le coworking…

Le web

Dans ce système, le web apparaît sous une nouvelle lumière. Certains considèrent qu’il s’agit d’un outil vulgaire, en raison de certains contenus triviaux que l’on peut y trouver. Mais on y trouve aussi des contenus nobles, comme les MOOC (cours universitaires en ligne).

Le web est donc un outil neutre, comme l’imprimerie, qui permet à la fois d’éditer des chefs d’œuvre et de propager des idéologies destructrices : il ne sera que ce que l’on en fait ! De la même manière que le voyage est neutre : on peut choisir la vulgarité en allant à Las Vegas ou dans les quartiers interlopes d’une grande ville, ou ressusciter le rêve humaniste du Grand Tour, en allant « faire ses humanités » en Italie, en Allemagne, en Suisse…

Cet outil qu’est Internet permet, comme medium universel, la dématérialisation du travail, libérant ainsi le freelance de toute géolocalisation fixe.

Parfois, le travailleur du web peut regretter le fait qu’Internet le coupe du monde réel, l’amenant à passer sa vie devant un écran... En réalité, en libérant ainsi la possibilité d’un voyage sans fin, le web nous amène à redécouvrir le monde extérieur, à le sillonner de part en part dans une extase grandissante, une fois notre journée de travail achevée !

Le freelance qui se lamente ainsi se sert mal de son outil de travail : dans sa pleine extension, le web libère le travailleur de tout ancrage physique, et le pousse au voyage. Celui qui reste sédentaire n’a pas le mode d’emploi adéquat pour utiliser ce nouvel outil : il le pense avec d’anciennes catégories qui ne sont plus valables…

Le travail

D’un point de vue juridique, le digital nomade n’est ni salarié, ni patron, ni fonctionnaire. Plusieurs statuts sont possibles : il peut être freelance, autoentrepreneur, en EURL, EIRL, immatriculé à la maison des artistes, etc.

Ses clients, qu’il choisit peu à peu, ne le tiennent pas dans un rapport vertical de sujétion comme peut le faire un patron avec un employé.

Le statut d’autoentrepreneur présente un intérêt particulier. Ce type de freelance ne peut gagner plus de 2000 euros nets par mois environ. Cette limite qui pourrait sembler handicapante le protège d’un danger essentiel. C’est paradoxalement une chance : elle le préserve de l’argent corrupteur...

Le rentier millionnaire peut lui aussi passer sa vie en voyage ; mais son argent l’expose à une vie de plaisirs faciles ; s’il est sauvé de la problématique de la survie, il est perdu, d’un autre point de vue, par exemple celui de la création et de tout ce qui repose sur le sérieux de l’âme.

De tout cela, l’autoentrepreneur est préservé. Il ne cherche pas à « travailler plus pour gagner plus », mais à « travailler peu pour gagner peu » !

Il constitue une sorte de moyen terme entre le moine, qui a fait vœu de pauvreté absolue et le salarié vivant confortablement. Il gagne juste assez pour mener la vie qu’il a choisie, sans pouvoir économiser, vivant sur cette corde raide comme un équilibriste.

Il n’a pas fondé une entreprise : il n’est pas exposé à l’angoisse que suscitent les multiples problèmes que pose ce type de structure : obstacles administratifs, rapport avec les employés, etc. Au contraire, il fuit les responsabilités, sait que sa liberté ne sera totale que dans l’absence de responsabilités, de devoirs, de tous ces fardeaux dont l’homme sait si facilement se couvrir, comme une bête de somme…


Le travail est un scandale ; il fatigue, éreinte, abîme. Il dégrade la plus belle passion, qui devient métier alimentaire. Même le travail le plus noble, au service de l’humain ou de la connaissance, n‘y échappe pas : il devrait être pur don, ou libre recherche, et non simple prestation tarifée.

La malédiction du travailleur, c’est que le produit de son travail lui échappe, une fois qu’il a été créé. Aussi, il doit recommencer le lendemain, en un cycle sans fin qui l’épuise, une sorte de tonneau des Danaïdes.

Le Web modifie cela en profondeur : sur Internet, le freelance crée ses propres sites, rédige et met en vente des e-books. On a là du travail qui s’est « cristallisé », qui a été fait et n’est plus à faire, et qui génère des revenus, une rente. Peu à peu, la rente augmente et le digital nomade peut espérer deux, trois, six mois de congés payés, qui lui permettent de profiter à plein de son temps libre et de ses voyages.

L’atout naturel du freelance n’est pas la sécurité du CDI, ni de hauts revenus, mais la constitution progressive d’une petite rente, qui ne dépassera jamais la limite des 2000 euros net, mais peut finir par le libérer définitivement du travail : c’est là le trésor de ce pirate d’un nouveau genre !

On a là encore un phénomène nouveau : on cherche à devenir rentier, mais non pas riche, deux déterminations pourtant classiquement associées. Une rente qui ne reposerait pas sur l’exploitation du travail des autres, mais sur son travail propre, ce qui est, une nouvelle fois, inédit…

La vie privée

Le digital nomade n’a pas de compagne (ou de compagnon), ni d’enfant. En tant que voyageur, c’est par définition un être de passage, qui ne peut avoir de foyer et s’attacher durablement à un autre être.

Il n’a aucune attache qui le retient ici ou là. Néanmoins, il peut entretenir de multiples relations avec d’autres êtres libres qui acceptent les modes de vie hors-norme.

A partir du moment où il se présente avec sincérité comme un voyageur, il ne peut de toute façon qu’être clair sur ce que ses partenaires peuvent attendre de lui.

De plus, le digital nomade voyage seul : dans le cas contraire, il devrait négocier, faire des compromis, parfois s’incliner dans le choix d’une destination ou l’organisation générale du voyage, et perdre ainsi le choix absolu qui fonde sa liberté.

La solitude le guette donc, et il doit en permanence lutter contre ce fantôme. Atome isolé, il regarde avec envie les sédentaires, qui jouissent des relations sociales que leur travail fixe leur permet d’entretenir.

C’est l’un des aspects qui fait que le digital nomade ne peut, pas plus qu’un autre statut social, représenter une solution satisfaisante au problème du bonheur.


Néanmoins, il existe plusieurs solutions au problème de la solitude. Tout d’abord, une fois installé dans son appartement éphémère, il peut inviter ses ami(e)s, une compagne ou un compagnon, et vivre avec eux de délicieux moments.

D’autre part, on croit à tort qu’il faut être sédentaire pour avoir des amis. Qu’il faut rester dans le même lieu pour développer une amitié à long terme. En réalité la sédentarité fait perdre des amis, même si l’on s’en rend plus rarement compte. Il suffit souvent en effet qu’un ami parte dans une autre ville pour qu’on cesse de le voir. Parfois 100 km suffisent pour nous faire oublier complètement une personne qui nous était chère quelques années auparavant…

Pour éviter les tourments psychologiques liés à l’absence d’un point fixe qui lui servirait de repère dans l’espace (un foyer), ce nomade d’un nouveau genre veillera à s’assurer un « refuge », un lieu ami où il vient se ressourcer régulièrement. Et qui lui servira, juridiquement, d’adresse postale pour sa vie administrative (impôts, factures, etc). Cela peut être chez ses parents, un frère ou une sœur, un ami…

Ce refuge est son « île », au sens de ce merveilleux titre de Houellebecq, « la Possibilité d’une île ». Ici, l’île n’est pas le but final du voyage, mais au contraire ce lieu enchanteur dans lequel on vient se « ressourcer » au sens propre, (c’est ici qu’on trouve une source d’eau potable) entre deux voyages.

En juillet-août, il rejoint donc ce refuge, et prend ses quartiers d’été. En cette saison, les tarifs sur AirBnb rejoignent ceux du tourisme traditionnel, et il n’est pas possible de voyager. Le nomade 2.0 ne s’aventure de par le vaste monde qu’hors saison, à savoir : le reste du temps. Il découvre ainsi les monuments dans leur authenticité première, insérés naturellement dans leur monde originel, sans les hordes de touristes qui les assaillent en période de congés scolaires…

Cette figure se heurtera inévitablement à une problématique spécifique, face auquel elle devra faire un choix. Le foyer, qui s’impose naturellement au sédentaire, devient pour lui un problème, et le problème de sa vie ! Doit-il perdre sa liberté pour fonder un foyer ? Doit-il rentrer dans la norme, ou vivre à jamais hors norme ? Doit-il quitter son éternelle adolescence, celle de l’irresponsabilité absolue, pour devenir adulte ? Voici le dilemme du digital nomade... C’est l’éternel mystère de l’enfant, comme on parle du « mystère de la foi ».

Face à ce problème, rien ne pourra venir lui souffler une réponse. Aucun conseiller, aucun guide ne pourra venir l’éclairer, car en réalité, il n’y a pas plus de raison de vivre dans la norme que vivre hors norme, d’être sédentaire que nomade !

Un mode d’existence

Le digital nomade peut choisir de ne rester qu’une seule semaine dans la ville qu’il visite ; auquel cas il connaîtra les joies du tourisme, et repartira avec des souvenirs inoubliables.

Mais il peut choisir également d’y vivre plusieurs mois, ou de revenir plusieurs fois ; on bascule alors dans tout autre chose… On ne visite plus cette nouvelle ville, on y vit ! On peut commencer à construire quelque chose de solide, de sérieux, de substantiel dans ce nouveau lieu : des liens sociaux, des amitiés, des relations professionnelles. On y fonde une « colonie », au sens grec du terme.

C’est là la troisième solution au problème de la solitude.

Dans cette approche, on n’est plus dans le simple loisir, le divertissement, mais dans un nouveau mode d’existence.

On peut identifier en celui-ci deux caractères essentiels :

a) La fin des dualismes

En choisissant de vivre dans les lieux traversés, et non simplement de les visiter, le freelance brouille en réalité l’antique distinction entre le nomade et le sédentaire. Il ne s’agit pas d’arpenter sans cesse les confins de l’espace en nomade, mais de se fixer pendant un moment ici, puis là et encore ici.

Le digital nomade vient donc mettre fin à ce dualisme qui broie, en tant que tel, l’esprit : nomade ou sédentaire ? De la même manière qu’il met fin à ces dualismes qui peuvent tenailler pendant des années : vivre à Paris ou en province ? En ville ou à la campagne ? A Lyon ou à Montpellier ? Les deux, mon capitaine !

b) un mode d’existence « à facettes »

Le sédentaire jouit de la secrète unité qui fonde son univers, le constitue comme Un, comme un Grand Tout, dont la cohésion est assurée par une logique propre : son couple, sa famille, son quartier, sa ville, sa région, son pays…. Il en est le centre, et même s’il aime à en explorer les recoins, tout conserve cette unité essentielle : c’est son monde. Dans cette perspective, il n’y a pas d’absurdité dans le geste de Salvador Dali, lorsqu’il déclare que la gare de Perpignan est le centre du monde. C’est le centre de son monde, son foyer vers lequel convergent toutes les lignes de fuite de l’univers, comme chacun a le sien propre.

Le nomade, lorsqu’il part vivre dans un nouveau lieu, se glisse dans un nouvel univers, un nouveau monde, une nouvelle histoire. Dans ce nouveau milieu ambiant, lui-même devient autre, et il ne se reconnaît pas lui-même, d’un lieu à l’autre. Il peine à rassembler la diversité de ces existences dans une unité qui viendrait assurer un fil directeur. On pourrait résumer cela en disant qu’il a une existence à « facettes », dont chacune comporterait sa propre logique, et on ne peut passer de l’une à l’autre que par le saut que représente le voyage.

Il est donc tout sauf un « déraciné » : il élabore au contraire au cours de son existence plusieurs racines, sur le modèle du « rhizome ».

Qu’il est étrange de revenir dans un de ces lieux où l’on a pris racine, plusieurs années plus tard ! Instantanément, comme tirés du néant, les rapports humains se reconstituent, ce qui n’était que souvenir se réincarne à nouveau, les parfums, les bruits d’ambiance, jusqu’à la moindre ruelle dont on croyait avoir perdu la trace : tout ce qui a composé l’une des existences du digital nomade, et qui lui semblait définitivement perdu, revient à l’être. Ce qui lui advient, c’est la facilité avec laquelle une époque se reconstitue, la facilité de la résurrection.


On peut choisir d’être digital nomade un an, deux ans, dix ans… On peut le pratiquer comme un loisir avant de changer de mode d’existence. Comme on peut se rendre à la messe de temps en temps, pour goûter à l’univers du moine, sans devenir moine soi-même (on manquera alors une part essentielle de l’expérience religieuse).

Mais on peut choisir également de l’adopter définitivement, et de voyager dans une liberté totale toute sa vie. On rentre alors dans la métaphysique : car jamais un tel type d’homme (ou de femme) n’a existé jusqu’à présent. On a, littéralement, un homme nouveau. Quel livre pourrait écrire une telle personne, après avoir passé 50 ans à voyager dans ces conditions inédites, dans une telle liberté ?

Conclusion

Le digital nomade se situe à l’articulation de trois phénomènes : l’apparition du statut de freelance, le développement du web, et l’effondrement des prix dans le secteur de l’hébergement.

Dans cet espace qui s’est ouvert pour lui, le digital nomade n’apparaît encore qu’à l’état d’esquisse, mais va peu à peu s’affirmer en tant que tel…

Nous ne saisissons pas encore probablement tout ce qu’implique l’apparition de cette nouvelle figure, qui ne s’est pas encore déployée dans toute son extension. Nous ne savons pas ce que l’esprit, ayant traversé l’existence sous ce mode, peut produire sur le plan culturel. Probablement des livres, musiques, danses, uniques et révolutionnaires !

Il faut néanmoins remarquer que le digital nomade participe à cette « uberisation du travail » qui vient menacer les droits acquis des travailleurs, fragilise les avancées sociales, relativise le modèle du CDI. Dans son sillage s’engouffrent les multinationales qui le mettent en avant et s’abritent sous la figure séduisante qu’il incarne.

Si donc l’on sort du point de vue étroit, phénoménologique, de ce que le digital nomade vit, qui vient d’être ici exploré, on voit alors que l’avènement de cette figure pose de nombreux problèmes de fond du point de vue politique. C’est là un tout autre angle qui présente un grand intérêt pour penser le phénomène dans toute sa complexité…

Cette petite réflexion d'un référenceur sur le digital nomade vous a-t-elle intéressé ? Heurté ? Certes, il ne s’agit que d’un portrait type, et probablement aucun digital nomade ne se reconnaîtra à 100% dans celui-ci. Mais n’hésitez pas à dire ce que vous en avez pensé dans les commentaires… Merci !

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Commentaires

 
#1 Chris 07-02-2017 17:42
C'est très élogieux, et visionnaire, encore que : sur le loyer il n'y a pas d'économie (15€ au plus bas la nuit par 30 jours est égal à un loyer normal). Et c'est oui, disons un mode de vie immédiat, avec ses contraintes (moi j'ai un chat en plus). Certaines sécurités n'existent plus, comme le logement, et on abandonne explicitement certains droits. Ce qui me plaît le plus, c'est de ne plus envisager l'avenir, ni à moyen ou long terme, on vit dans le présent, ce qui est une chance extraordinaire.
 
 
#2 Pierre 18-02-2017 22:03
Bonjour Cyril,Ton article est très intéressant, il avance et met sur la balance ce métier si idéalisé qui est le digital nomade.Je suis d'accord sur de nombreux points avec toi et j'ose nuancer le personnage que tu décris, parce que la vie idéale c'est beaucoup de liberté, mais c'est une vie qui doit avoir un intérêt, un but, une vision.On avance dans la vie avec de nombreuses personnes, que comme tu le dis si bien, l'on rencontre à chaque étape de notre vie. Et c'est avec elles que le digital nomade choisit de passer des moments de sa vie, via le travail ou durant les temps de loisir. C'est pourquoi le digital nomade n'est pas si seul et d'ailleurs il ne devrait pas se considérer comme une ermite, comme un homme différent des autres parce qu'il est digital nomade. C'est pourquoi il peut vivre avec un compagnon, une compagne, voir un groupe de compagnons si ceux-là partagent la même vision, le même but, tout cela dans un temps plus ou moins limité : qui sait ? seule la vie pourra décider de cela.En bref, il reste enrichissant à tous, et surtout au digital nomade, de toujours s'intéresser à la société, trouver en quelque sorte ses racines : quand on sait d'où l'on vient, on sait plus facilement où l'on va !Bonne route !Pierre